L'accrochage du 5 août 1944

Dans les jours qui précédèrent la Libération du département des Côtes-du-Nord du 1er au 18 août 1944, les troupes allemandes cherchèrent à se mettre en sécurité dans les grandes bases navales qu’elles occupaient à Brest (Finistère) et à Lorient (Morbihan). Subissant le harcèlement de la Résistance, elles se livrèrent trop souvent à des crimes commis sans objectif militaire. C’est durant cette période que près de 50% des 700 victimes recensées dans le département furent abattues,v oire massacrées.

Le samedi 5 août 1944 à la gare de Plouha (Place de Bretagne), alors que tout Plouha s'apprêtait à fêter la libération, 23 résistants se trouvèrent subitement face à face avec une colonne d'environ 200 soldats allemands provenant de Saint-Quay Portrieux. Rapidement, sous le feu nourri de la mitraille, les FFI cherchent refuge dans les cours, les jardins ou les maisons vides. Yves Le Chevert (de Plouha), Yves Callée et François Gauthin (de Pléguien) sont blessés. Jean Le Bervert (de Plouha, 44 ans) est fauché et tué par une rafale de mitrailleuse. Les Allemands s’emparent de Yves Cazoulat (de Plouha, 55 ans) alors que, portant un brassard de la croix rouge, il prodiguait les premiers soins aux blessés. Jean Le Bivic (de Trédrez, 22 ans), André et Roger Hamon (de Tréveneuc, respectivement 23 ans et 21 ans), Roger Dubernard (de Saint-Quay-Portrieux, 30 ans) et André Raoul (de Saint-Quay-Portrieux, 25 ans), qui ne portaient pas d’armes, sont eux aussi pris en otages. Ils sont tous les six ligotés sur des camions en guise de boucliers humains. La colonne continue sa progression vers Lanvollon, sans passer par le bourg de Plouha, pour se rendre à Pommerit-le-Vicomte et Squiffiec. En passant Pommerit, les Allemands tirèrent sur Lucien Le Guyader, occupé à curer un lavoir puis l’achevèrent.

Le soir à 23 h 30, le convoi s’arrêta à Kergoua en Saint-Laurent (Côtes-du-Nord). Les Allemands firent descendre les prisonniers des camions et les assassinèrent dans un champ de trèfle après leur avoir fait creuser leur propre tombe. Le matin de ce même jour un escadron de combat américain avec chars faisait son entrée à Plouha. Le 7 aôut les Américains et des résistants plouhatins se rendirent à Plélo où des otages risquaient d'être fusillés. Les combats sont intenses et les pertes allemandes considérables (40 tués). Les Américains repartent ensuite directement vers Brest. Dalc'homp soñj ! Souvenons nous !

Focus sur Yves Cazoulat

Yves Cazoulat est né le 7 octobre 1889 à Brélévenez près de Lannion. Ses parents étaient Jean Cazoulat, laboureur, et Marie Roudot, ménagère. Marié à Anne Yvonne Allanet, il tenait avec elle un café épicerie au bourg et exerçait la profession de coiffeur. Il fut brancardier pendant la grande guerre et fit preuve de courage à maintes reprises dans des opérations de secours périlleuses. Il reçut pour cela la croix de guerre, avec 2 étoiles de bronze (citations à l'ordre du régiment) et une étoile d'argent (citation à l'ordre de la division). Il était unanimement apprécié (tout comme son fils Albert qui prit sa suite comme coiffeur et comme joueur d'accordéon pour le plus grand plaisir de tous). André de Sagazan, jeune médecin à Plouha en 1944, que nous avons eu l'heur de rencontrer fortuitement au manoir de Tronjoly en Cleder au début des années 2000, gardait un souvenir très fort des événements survenus soixante ans plus tôt. Il ne put retenir son émotion en évoquant Yves Cazoulat, sachant que nous étions de Plouha. “Ce n'était pas son jour, ce n'était pas son secteur !” nous dit-il livide. Il ne fallait entendre dans ses propos aucune sorte de reproche mais l'expression d'un désarroi dû au fait que, malgré tout, il était intervenu le premier au plus près du combat, prenant un énorme risque pour sauver des vies. Il revivait avec effroi, et dans une intense émotion, décuplée par des années de silence, ces journées des 5 et 6 août 1944 qui furent si terribles pour bien des familles de Plouha et des Côtes du Nord. Une rue de Plouha porte le nom d'Yves Cazoulat. Dalc'homp soñj !

Bibliographie / Levrlennadur :

Source : https://fusilles-40-44.maitron.fr/spip.php?article201468
Alain Prigent, Serge Tilly, L’occupation allemande dans les Côtes-du-Nord (1940-1944), Les lieux de mémoire, Cahiers de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord, N°10 (2004) et N°11 (2005).
Archives familiales – Dielloù familh