Ce chant se rapporte, selon La Villemarqué, à la conquête de l’Angleterre par les Normands. Guillaume de Normandie fit publier son ban de guerre en 1066 et offrit une forte solde et
le pillage de l’Angleterre à tout homme robuste et de haute taille qui voudrait le servir de la lance, de l’épée ou de l’arbalète. Il en vint une multitude. Le comte Eudes Ier de Penthièvre envoya à Guillaume ses deux fils pour le servir contre les Anglais.
Ces deux jeunes gens, appelés Brian et Alain, vinrent au rendez-vous des troupes normandes, accompagnés d’un corps de chevaliers bretons. Les Bretons prirent une part active à la conquête de l'Angleterre : la grand-mère de Guillaume le Conquérant était bretonne,
son tuteur aussi et il maria sa fille à un Breton. Plusieurs chefs bretons se fixèrent dans les domaines conquis; d'autres revinrent en Bretagne,
mais beaucoup plus tard. Parmi eux le chevalier breton Sylvestik.
Ce chant n'est cependant un chant de guerre, de clameur et de fureur. C'est tout le contraire; une gwerz triste dans laquelle la quête de gloire interrompt brutalement
le cycle naturel de la vie en n'apportant que mort et desespoir. Adieu Silvestig ! Ta mère, ton père, Mannaik Bouldergat, ta dousik-koant, tes enfants non-nés, la douce colombe qui couve au creux du rocher, tous pensent à toi et
attendent ton retour, trois longues années. En vain, c'est un navire ruiné et chargés de cadavres qui se fracassa sur la côte.
Pozioù / Paroles
Entre la paroisse de Pouldergat et la paroisse de Plouaré,
Il y a de jeunes gentilshommes qui lèvent une armée pour aller à la guerre,
sous les ordres du fils de la Duchesse,
qui a rassemblé beaucoup de gens de tous les coins de la Bretagne.
Pour aller à la guerre, par delà la mer, au pays des Saxons.
J'ai mon fils Silvestik qu'ils attendent;
j'ai mon fils Silvestik, mon unique enfant,
part avec l'armée, à la suite des chevaliers du pays.
Une nuit que j'étais couchée, et que je ne dormais pas,
j'entendis les filles de Kerlaz chanter la chanson de mon fils ;
et moi de me lever aussitôt sur mon séant :
- Seigneur Dieu ! Silvestik, où es-tu maintenant ?
Peut-être es-tu à plus de trois cents lieues d'ici,
ou jeté dans la grande mer, en pâture aux poissons.
Si tu eusses voulu rester près de ta mère et de ton père,
tu serais fiancé maintenant, bien fiancé ;
Tu serais à présent fiancé et marié à la plus jolie fille du pays,
à Mannaïk de Pouldergat, à Manna, ta douce belle,
et tu serais avec nous et au milieu de tes petits enfants,
faisant grand bruit dans la maison.
J'ai près de ma porte une petite colombe blanche
qui couve dans le creux du rocher de la colline;
j'attacherai à son cou , j'attacherai une lettre
avec le ruban de mes noces, et mon fils reviendra.
- Lève-toi, ma petite colombe, lève-toi sur tes deux ailes;
volerais-tu, volerais-tu loin,
bien loin, par delà la grande mer
pour savoir si mon fils est encore en vie ?
Volerais-tu jusqu'à l'armée, et me rapporterais-tu
des nouvelles de mon pauvre enfant ?
Voici la petite colombe blanche de ma mère, qui chantait dans le bois;
je la vois qui arrive au mât, je la vois qui rase les flots.
Bonheur à vous, Silvestik, bonheur à vous, et écoutez :
j'ai ici une lettre pour vous.
- Dans trois ans et un jour j'arriverai heureusement;
dans trois ans et un jour je serai près de mon père et de ma mère.
Deux ans s'écoulèrent, trois ans s'écoulèrent.
Adieu, Silvestik, je ne te verrai plus !
Si je trouvais tes pauvres petits os, jetés par la mer au rivage,
oh ! je les recueillerais, je les baiserais !
Elle n'avait pas fini de parler,
qu'un vaisseau de Bretagne vint se perdre à la côte;
qu'un vaisseau du pays, sans rames, les mâts rompus,
et fracassé de l'avant à l'arrière, se brisa contre les rochers.
Il était plein de morts ; nul ne saurait dire
ou savoir depuis combien de temps il n'avait vu la terre;
et Silvestik était là ; mais ni père, ni mère hélas !
ni ami, n'avait aimé ses yeux !
Etre parrez Pouldergat ha parrez Plouare,
Ez eus tudjentil yaouank o sevel un arme
Evit monet d'ar brezel dindan mab an Dukez,
En deus dastumet kalz tud eus a bep korn a Vreizh;
Evit monet d'ar brezel dreist ar mor, da Vro-Saoz.
Me'm eus ma mab Silvestig emaint ouzh e c'hortoz;
Me'm eus ma mab Silvestig ha n'em eus nemetañ
A ya da heul ar strollad, gant marc'heien ar ban.
Un noz e oan em gwele, ne oan ket kousket mat,
Me 'gleve merc'hed Kerlaz a gane son ma mab;
Ha me sevel em c'hoañze raktal war ma gwele:
- Aotrou Doue! Silvestik, pelec'h out-de breme ?
Marteze emaout ouzhpenn tric'hant lev deus va zi
Pe taolet 'barzh ar mor bras d'ar pesket da zibriñ;
Mar keres be'añ chomet gant da vamm ha da dad,
Te vije bet dimezet bremañ, dimezet mat;
Te vije bet dimezet hag eureujed timat
D'ar bravañ plac'h eus ar vro, Mannaig Pouldergat
Da Vanna da zousik-koant, ha vijes ganeomp-ni
Ha gant da vugaligoù; trouz gante 'kreiz an ti.
Me am eus ur goulmig c'hlas e kichenig ma dor,
Hag hi e toull ar garrek war benn ar roz e gor;
Me stago deus he gouzoug, me stago ul lizhzer
Gant sei'enn va eured, ra zeui ma mab d'ar gêr.
- Sav alese, va c'houlmig, sav war da zivaskell
Da c'hout mar te a nijfe, mar te a nijfe pell;
Da c'hout mar te a nijfe gwall bell dreist ar mor bras,
Ha ouifes hag eo ma mab, ma mab er buhez c'hoazh ?
Da c'hout mar te a nijfe tre-betek an arme,
Ha gasfes eus va mab paour timat keloù din-me ?
- Setu koulmig c'hlas va mamm a gane 'kreiz ar c'hoad,
Me he gwel erru d'ar gwern, me e gwell o rezat.
- Eurvad deoc'h-hu, Silvestig, eurvad deoc'h, ha klevet:
Amañ em eus ul lizher zo ganin deoc'h kaset.
- 'Benn tri bloaz hag un devezh me erruo da vat,
'Benn tri bloaz hag un devezh gant ma mamm ha ma zad.
Achuet oa an daou vloaz, achuet oa an tri:
- Kenavo dit, Silvestig, me n'az kwelin ket mui;
Mar kavfen da eskern paour taolet gant ar mare,
Oh ! me o dastumfe hag o briatefe.-
Ne oa ket e c'homz ganti, e c'homz peurlavaret,
Pa skoas ul lestr a Vreizh war an aot, eñ kollet,
Pa skoas ul lestr a'r vro penn-da-benn dispennet,
Kollet gantañ e roeñvoù hag e wernou bre'et.
Leun e oa a dud varv; den na oufe lavar,
Na gout pegeit zo amzer n'en deus gwelet an douar.
Ha Silvestig oa eno, hogen na mamm na tad:
Na mignon n'en doa, siwazh! karet e zaoulagad !