La Gwerz de Lezobré
François-Marie Luzel
-1857 - Plouha
Lez-Breizh est dans le Barzhaz Breizh au centre d'un cycle épique qui débute avec l'enfant Lez-Breizh émerveillé par le chevalier qu'il croise.
Puis vient le temps des combats où le vaillant Lez-Breizh, sous
la garde de Sainte-Anne, est vainqueur de Koat ar Skin et de son armée qu'il écrase avec son seul écuyer. Le roi en colère le convoque pour un duel contre son magicien maure. C'est encore une
victoire mais il doit alors affronter un serpent monstrueux sorti des flots vers lequel accourent ses petits, l'armée du roi et ses milliers de francs.
Lez Breizh est défait. Son spectre tenant sa tête entre ses mains demande
secours à un vieil ermite qui lui impose une rude pénitence de sept ans puis un long sommeil qui lui permet cependant de veiller
sur la Bretagne et de préparer son retour afin de la libérer.
Selon Kervarker, la gwerz aurait été composée en l'honneur du roi Morvan, qui mourut la tête tranchée par un soldat de Louis Le Pieux, quatrième fils de Charlemagne, dans
une campagne militaire relatée par Ernold Le Noir. Après sa victoire sur Morvan en 818 l'empereur franc imposa à l'abbé Matmonoc de Landevennec qu'il rencontra, ainsi qu'à l'ensemble des moines
bretons, d'abandonner la coutume irlandaise pour la règle de Saint-Benoit.
Pour en arriver à cette coonclusion sur la personne du chevalier à l'origine de la gwerz, Kervarker note les similitudes entre les différentes gwerzioù collectées et le récit d'Ernolt le Noir, en particulier la présentation de la tête de Morvan à un moine
franc qui l'identifia. L'évocation d'un combat contre un officier
maure du roi est cependant l'élément essentiel qui permet à Kervarker de dater l'origine de la gwerz.
En effet, à l'époque de Charlemagne et de Louis le Pieux, l'armée franque
faisait de nombreuses incursions sur les marges de l'empire en péninsule ibérique et les transferts de camp entre combattants étaient courant. Il y bien dans la gwerz, comme dans
toute tradition orale, des éléments plus récents. La référence à Santez-Anna Gwened (Sainte-Anne d'Auray) ne peut apparaitre qu'au dix-septième siècle.
C'est suite aux visions du paysan Yvon Nicolazic près d'Auray en 1628 que la vénération de la mère de Marie s'est véritablement développée en Bretagne.
Si la gwerz chantée à Plouha au dix-neuvième siècle était attribuée au seigneur Jean de Lannion, seigneur des Aubrays, dont le caveau était en la chapelle de Kermaria, le combat central
de la gwerz contre le maure du roi, même imagé ou d'expression purement
symbolique, n'aurait eu aucun sens. En effet Jean de Lannion, gouverneur de Lannion sous Louis XIII décédé en 1658, était certes un héros aux yeux de ses contemporains mais
en aucun point un rebelle.
La mémoire de Jean de Lannion était encore très présente à Plouha plus de deux siècles après sa mort. Selon René Couffon (quelques notes sur Plouha, 1929) "Les ossements du caveau seigneurial qui s'y trouvaient, ont été pieusement recueillis à la fin du XIXème siècle par Janed ar Goz Perou*
, et placés par elle dans la boîte à reliques avec l'inscription : Le Ceff de Lezobre. Cette Janed, qui habitait une pauvre chaumière de Kermaria, ne se livrait à aucun travail régulier,
mais ses pratiques occultes étaient infinies. Elle possédait des recettes pour toutes les circonstances de la vie, aussi était-elle, en particulier,
la providence des amoureux, ce qui n'allait pas sans quelques pièces de monnaie. Lezobré était son Dieu et elle aurait parlé de ses hauts faits une journée entière"
* en réalité : Janed ar Gousperoù (les vêpres ou litanies en breton, un surnom). Nous aurions beaucoup aimé la connaitre !
Pozioù / Paroles
Nous n'avons mis ici que la première parte de la gwerz concernant le défi de Koat-ar-Skin, envoyé du roi, à Lézobré, seigneur de la Noé-Verte - ar Wazh C'hlas - et de Lizandré).
L'intégralité de la gwerz recueillie à Plouha est accessible à
Gwerz ar Géant Lizandré -1857
Entre coat ar Skinn et Lézobré
a été convenue une rencontre.
A été convenu un combat.
Que Dieu leur accorde bon voyage !
Que Dieu leur accorde bon voyage,
et aux leurs, à la maison, bonnes nouvelles!
Le seigneur Koat ar Skinn disait
au seigneur Lézobré en le saluant :
- J'ai reçu lettre du roi,
de te porter la guerre, Lézobré !
- Si tu as lettre de guerre,
Montre la lettre que je la lise.
-Le moinde papier qui est dans ma valise,
Je ne le donnerai pas à lire à un âne !
- Si je suis âne, c'est certain,
Je ne le suis pas par nature.
Mon père était général d'armée
et son fils Lezobré le sera aussi.
Seigneur Koat ar Skinn, si vous permettez :
aller à Sainte-Anne d'Auray
aller à Sainte-Anne d'Auray
Encore une fois je l'ai promis.
Bonjour à vous, Sainte-Anne d'Auray
Je suis venu encore une fois vous voir;
J'ai combattu dix-huit combats
et j'en ai gagné dix-huit !
Les dix-huit je les ai gagnés
grâce à vous, Sainte-Anne d'Auray !
Je vais à présent au dix-neuvième,
faites encore un miracle à mon endroit ;
Je vous donnerai et calice
et parure pour vos sept autels !
Le seigneur Lézobré disait
à son petit page ce jour-là :
Mon petit page, préparez vous
au combat où nous devons aller ;
Mon maître si vous m'obéissez
Nous n'irons pas à ce combat.
Il y a dix-huit cent soldats
et autant de dragons !
Etre Koat ar Skin ha Lezobre
zo asinet un asamble;
a zo asinet ur gombat,
Doue d'rey de'he beaj vat !
Doue d'rey de'he beaj vat
Ha d'o re er gêr keloù mat !
N'Aotrù Koat ar Skin a lâre
d'an aotroù Lezobre p'hen salude :
- Bet m'eus lizher digant ar roue
da gaout brezel ouzhit Lezobre.
- Mar 't'eus lizher digant ar roue
Diskou'ez da lizher, m'hen lennin.
- Disterañ tra zo em valisenn,
N' rofen ket da lenn d'un azen.
- Mard on me azen, a dra sur,
N'on ket azen dre natur ;
Ma zad a oa general arme,
Ha me a vo ivez.
AotroùKoat ar Skin, mar permetet,
Mont da Santez Anna Wened ;
Mont da Santez Anna Wened,
Am eus c'hoazh ur wezh prometet.
-Bonjour deoc'h, Santez Anna Wened,
Deuet on c'hoazh ur wezh d'ho kwelet ;
Tric'hwec'h kombat em eus kombatet,
Ha tric'houec'h em eus goune'et ;
O zriwec'h am eus goune'et,
Dre ho kraz, Santez Anna Wened !
Ec'h an bremañ d'an naon,tekved,
Grit c'hoazh ur mirakl em andred ;
Ma a roio deoc'h ha kaler
Ha gwiskamant d'o seizh aoter !
An aotroù Lezobrea lâre
D'e bajig bihan, en deiz-se :
- Ma faj bihan, em breparet,
D'ar gombat a rankomp monet ;
- Ma mestr ouzhin-me ma sentet,
D'ar bombat-se na efomp ket.
Bez 'zo triwerc'h kant a soudarded
ha kement-all a dragoned !