Musique de Seziz Gwengamp sur "Son ha Ton"
La Bretagne, en l’année 1488, était tombée dans le plus déplorable état : attaquée au dehors, divisée au dedans, trahie par quelques-uns des siens. La défaite de Saint Aubin du Cormier le 28 juillet 1488 (environ 6000 bretons et alliés tués) porta un coup très dur à la résistance bretonne. Le vicomte Jean II de Rohan qui soutint la cause française à Saint-Aubin, alors que son fils François y trouva la mort à l'age de 18 ans, assiégea Guingamp en janvier 1489. « Mais, dit d’Argentré, les habitants de Guingamp firent response que de mettre la ville ny autres villes entre ses mains, ils ne devoient le faire, ne devant ignorer ledit seigneur qu’elles ne fussent à la Duchesse, à laquelle du vivant du feu Duc son père et depuis son décès, ils avoient fait serment de les garder ; par ainsi le prioient de les tenir pour excusés de faire autre response jusques à savoir l’intention de la Duchesse. » Rolland Gouiket, ou Gouyquet, commandait dans la ville ; la garnison était peu nombreuse : il arma tous les jeunes gens, les posta dans le fort Saint-Léonard, au faubourg de Tréguier, et le premier assaut des Français fut repoussé vigoureusement. Le lendemain ils revinrent a la charge, battirent le fort en brèche, et s’emparèrent des faubourgs. Gouiket fit une sortie et les repoussa encore. Le troisième jour, le vicomte de Rohan donne l’assaut à la ville même ; Gouiket est blessé sur la brèche ; on l’emporte : sa femme le remplace, fait un massacre horrible des Français, et les force à demander une suspension d’armes. Le vicomte de Rohan profite du sursis, prend la ville par trahison et la livre au pillage. Mais il n’en jouit pas longtemps ; Gouiket, à peine guéri de sa blessure, s’étant annoncé avec un renfort considérable, les Français prirent l’alarme et abandonnèrent la ville.
Pozioù / Paroles
- Portier, ouvrez cette porte !
C’est le sire de Rohan qui est ici,
et douze mille hommes avec lui,
prêts à mettre le siège devant Guingamp.
- Cette porte ne sera ouverte
ni à vous ni à personne
sans ordre de la duchesse Anne,
à qui appartient cette ville.
-Ouvrira-t-on ces portes
au prince déloyal
qui est ici avec douze mille hommes,
prêts à mettre le siège devant Guingamp ?
- Mes portes sont verrouillées,
mes murailles crénelées ;
rougirais de les écouter ;
la ville de Guingamp ne sera point prise.
Quand ils passeraient là dix-huit mois,
ils ne la prendraient pas ;
chargez votre canon ; çà ! du courage !
et voyons qui se repentira !
- Il y a ici trente boulets,
boulets pour le charger ;
de poudre, nous n’en manquons pas,
non plus que de plomb ou d’étain.
Comme il revenait et montait,
il fut blessé d’un coup de feu,
d'un coup de feu par un soldat du camp
nommé Gwazgaram.
La duchesse Anne dit alors
à l’épouse du canonnier :
Seigneur Dieu ! que faire ?
voilà votre pauvre mari blessé !
Quand même mon mari serait mort,
je saurais bien le remplacer !
Son canon, je le chargerai,
feu et tonnerre ! et nous verrons !
Comme elle disait ces mots,
les murailles furent brisées,
les portes enfoncées ;
la ville était pleine de soldats.
- A vous, soldats, les jolies filles,
et à moi l’or et l’argent,
tous les trésors de la ville de Guingamp,
et de plus, la ville elle-même !
La duchesse Anne se jeta à deux genoux,
en l’entendant parler ainsi,
- Notre-Dame de Bon-Secours, je vous en supplie :
Venez à notre aide !
La duchesse Anne, en l’entendant,
courut à l’église,
et se jeta à deux genoux
sur la terre froide et nue :
- Voudriez-vous, vierge Marie !
voir votre maison changée en écurie,
votre sacristie en cellier,
et votre maître-autel en table de cuisine ?
Elle parlait encore,
qu’une grande épouvante s’était emparé de la ville :
un coup de canon venait d’être tiré,
et neuf cents hommes étaient tués ;
Et c’était le plus affreux vacarme ;
et les maisons tremblaient,
et toutes les cloches sonnaient tumultueusement,
sonnaient d’elles-mêmes dans la ville.
Page, page, petit page,
tu es léger, gaillard et vif ;
monte vite au haut de la tour plate,
pou voir qui met les cloches en branle.
Tu portes une épée au côté ;
si tu trouves quelqu’un là ;
si tu trouves quelqu’un qui sonne,
plonge-lui ton épée au cœur.
En montant, il chantait gaiement ;
en descendant, il tremblait fort
- Je suis monté jusqu’au haut de la tour plate,
et je n’ai vu personne ;
Et je n’y ai vu personne
que la Vierge bénie,
que la Vierge et son fils, vraiment ;
ce sont eux qui mettent les cloches en branle.
Le prince déloyal dit
alors à ses soldats :
- Sellons nos chevaux, et en route !
et laissons leurs maisons aux saints !
- Porzhier, digoret an nor-mañ!
An Aotrou Rohan zo amañ,
Ha daouzek mil soudard gantañ,
Da lakaat seziz war Wengamp.
- An nor-mañ na vo digoret
Na deoc'h na da zen all ebet,
Ken na lâro an dugez Anna,
A zo mestrez war ar gêr-mañ.
- Digoret vo ar perzhier-mañ
D'ar priñs diwirion zo amañ
Ha daouzek mil soudard gantañ,
Da lakaat seziz war Wengamp ?
- Va dorioù a zo morailhet,
Va mogerioù zo kreñvaet,
Fae ve ganin ouzh ho klevet
Gwengamp na vo ket kemeret.
Na pa vent triwec'h miz aze,
Na ve ket kemeret gante
Karget ho kanol ; poan ha bec'h !
Ha gwelomp piv en devo nec'h !
- Tregont boled a zo amañ,
Tregont boled 'vit e gargan
Poultr na vank, na plom tamm ebet
Na staen da ober kenneubet.
Tra m'edo 'tistroiñ ha pignet,
Gant un tenn poultr gwenn voe tizhet,
Gant un tenn poultr demeuz ar c'hamp,
Gant un den anvet Gwazgaram.
'N Dugez Anna a lavare
Da c'hwreg ar c'hanolier neuze :
- Aotrou Doue ! Petra vo graet ?
Setu ho pried paour tizhet !
- Na pa ve ma fried marv,
Me rafe ma-un' en e dro
Hag e ganol me e gargo,
Tan ha kurun ! ha ni welo !
Oa ket he ger peurachuet,
Ar mogerioù zo bet freuzet,
An norioù a zo bet torret
Ha leun ar gêr a zoudarded.
- Deoc'h, soudarded, ar merc'hed koant,
Ha din an aour hag an argant,
Hag holl teñzorioù kêr Wengamp,
Hag ouzhpenn ar gêr he-unan !
'N Dugez Anna en em strinkas
War he daoulin, pa e glevas :
- Itron Varia-Gwir-Sikour,
Ma piijfe ganeoc'h, hor sikour !
'N Dugez Anna dal' ma glevas,
Trezek an iliz a redas
Ha war he daoulin 'n em stouas,
Ha war an douar yen ha noazh :
- Ha c'hwi garfe, gwerc'hez Vari,
Gwelet ho ti da varchosi,
Ho sakristi da gav gwin
Hoc'h aoter vras da daol gegin ?
Ne oa ket peurlâret he c'her,
Ma teuas ur spont bras e kêr
Gant un tenn kanol oa laosket
Ha nav c'hant den a oa lazhet
Ha gant ar strak an euzhusañ,
Ha gant an tier o krenañ
Ha gant son-vrall an holl gleier,
O seniñ o-unan e kêr.
- Floc'hig, floc'higig, floc'hig bihan,
Te zo prim, ha skañv ha buan,
Kae timat da veg an tour-plad,
Da c'hout piv zo o vrañsellat.
Eus da gostez zo ur c'hleze,
Mar kavez 'n den bennak aze,
Mar kavez 'n den bennak o son,
Plant da gleze en e galon !
O vont d'al lae, eñ a gane,
O tont d'an traoñ, eñ a grene
- Beg an tour-plad edon-me bet,
Ha den ebet n'em eus gwelet;
Ha den eno n'em eus gwelet,
Nemet ar Werc'hez venniget,
Ar Werc'hez hag he mab, avat,
'Re-se a zo o vrañsellat !
Ar priñs diwirion lavare
D'e soudarded, pa e gleve :
- Sternomp hor c'hezeg, ha d'an hent !
Ha laoskomp o zier gant ar sent