Voici deux évènements, majeurs dans l'ancienne histoire de Bretagne, qui se déroulèrent à Plouha et dans les environs.
(En moyen-breton : An buhez Sant Gwenole abat kentaf eus a Landevennec : La
vie de Saint-Gwénolé premier abbé de Landévennec)
Ce Mystère, écrit en 1580 relate des faits qui se déroulèrent vers 500.
Il a été ré-écrit en 1716 par Dom Pelletier et a été retrouvé, plus
récemment, en 1935 par Emile Ernault. Cette pièce de théatre se compose de
1278 vers à rimes internes de 8 à
Fragan (le Saint-Patron de Ploufragan - 22) et sa femme traversent la mer
depuis
Aussitôt après dans la pièce de théatre, on voit Saint-Gwénolé, devenu
prêtre, qui prèche à son oncle : Il enseigne à Gradlon sur la folie de ce
monde. Celui-ci donne alors, comme pénitence, des monceaux de présents à Gwénolé
et à son abbaye. Malgré tout cela, Gwénolé reproche plus violemment encore à
Gradlon de ne pas être un bon roi, et ensuite il prédit aux habitants de
Comme annoncé juste avant,
Ahès la fille de Gradlon est Dahud selon Albert Legrand (cf. Gwenhudw, la
fée des eaux au Pays de Galles – Cambrie.)
Aujourd'hui le Mystère lui-même est devenu moins populaire que
Que
savons-nous à propos de Sainte Twina en 2003 ?
Sainte Twina de
la mer en Bretagne
Officiellement, tout au long des derniers siècles
passés, cette chapelle était connue sous le nom de "Sainte
Eugénie". Il n'est nulle-part question de Sainte Twina dans les archives
et les écrits, relativement nombreux d'ailleurs depuis le XVème siècle,
d'après René Couffon ("Quelques notes sur Plouha, 1929, ré-édité par
Expression, 1990). Voilà cependant comment commence
Le nom Sainte Twina est encore vivant dans
la mémoire des gens du port de Bréhec, Lanloup et des villages de Plouha aux
alentours de la dite chapelle. Son nom est mentionné au cours du pardon de la
chapelle qui est célébré au mois d'Août de nos jours. Jusqu'à la fin de
l'ancien Pardon qui était célébré au printemps par les gens du secteur, c'est
plus à Sainte Twina qu'à Sainte Eugénie que le menu peuple dédiait ses
prières ("
La petite chapelle était sur le point de
tomber en ruine après la dernière guerre mondiale. Si la chapelle a été
sauvée d'une destruction certaine par des bénévoles depuis lors, le travail
n'a pas encore été tout à fait achevé car une chapelle ne se compose pas
uniquement de mûrs. "Sauvetage" n'est pas "Salut" !
Notre devoir collectif est de la rendre à sa propriétaire de toujours.
Dans le pays de Saint-Malo on célèbre
également Sainte Ouine ; à Mordreuc (Pleudéhen) une chapelle porte son
nom. Malgré les similitudes qui font de ces deux Saintes celles des gens de
mer, rien ne tend à confirmer aujourd'hui qu'il s'agisse d'une seule et même
Sainte. Ce qui nous paraît évident (ainsi que ça l'était à Anatole Le Bras et
à Louis Dagorn) notre Sainte Twina de Plouha ne fait qu'une avec Sainte
Douenwenn, fêtée au Pays de Galles (Cambrie). Nous avons à présent besoin de
savoir qui était réellement Sainte Twina de la mer, et de connaître son
histoire.
Sainte Dwinenn au
Pays de Galles
C'est le 25 Janvier qu'on honore Sainte Dwinenn au Pays de Galles d'une
façon plus convenable que dans notre pays, en Bretagne. Elle est
Llanddwyn au Pays de Galles
"Nous aussi
bas-bretons nous avons notre Sainte Twina. Elle a une chapelle en pays de
Goëlo, à Plouha. Elle est honorée sous le nom de Sainte Twina de la mer"
selon Anatole le Bras dans "Les annales de Bretagne, Décembre
1892."
Il traduisit en breton et en
français la poésie du Gallois Ceiriog Hugues.
(traduit en breton par Pierre Le Saux à partir de l'écrit de Louis
Dagorn)
Comme Louis Dagorn, qui écrivit cet
article, je suis né près de Bréhec, et quand nous étions gamins, nous avons bien
souvent entendu nos parents parler de "Santez Twin", et si
quelqu'un disait "Sainte-Eugénie" devant eux, tout de suite ils
précisaient "Santez Twin".
Ma grand-mère m'emmenait tout gamin,
chaque année, au pardon de Santez Twin.
Sainte-Eugénie ou Santez Twin, deux
Saintes donc pour la même chapelle. Voilà bien un problème ! Pour le
résoudre, on a inventé plusieurs hypothèses étranges. Pour certains,
"Twina" n'était qu'une variante (un surnom) d'Eugénie.
D'autres pensent qu'après la révolution,
un certain Monsieur Touine aurait apporté à Plouha les reliques de
Sainte-Eugénie et fait construire une chapelle afin de les abriter. Mais les
gens du pays n'avaient pas beaucoup de vénération pour une Sainte qui n'était
pas de chez eux, et c'est pourquoi ils ne l'appelaient pas
"Sainte-Eugénie", mais "
D'après un certain Jacques de Vorajin,
dominicain, archevêque de Gênes au XIIIème siècle, Eugénie était née à Rome
au début du IIIème siècle. Son père, un noble, fut nommé préfet d'Alexandrie.
Convertie au christianisme elle fut baptisée et demanda à devenir abbesse
dans un monastère, et en 257 elle mourut, vierge et martyre. Dans la chapelle
on peut voire une statue d'Eugénie avec une crosse d'évêque. Voilà la version
officielle de l'Eglise.
Mais pourquoi donc cette Sainte là
était-elle appelée "Twin" par les petites gens du peuple dont la
langue maternelle était le breton ? Elle était très honorée et les gens
accourraient de loin à son pardon.
Dans la gwerz pré-citée on trouve le nom
de ce monsieur Touine en tant que courageux bien-faiteur, Grimault de son
vrai nom. Il aurait donné par testament en 1643, tous ses biens pour faire
construire une chapelle.
Un individu, ignorant le breton, a même
déclaré un jour : on écrivait "Ouin" à la place de
"Eugénie" en breton, et comme l'expression "Santez Ouin"
choquait des oreilles bretonnantes, on y ajoutait un -t- à l'oral d'abord, et
par écrit ensuite.
C'est Anatole le Bras (1859-1926) qui
apporta la réponse à notre problème en traduisant, en breton et en français
la poésie du Gallois Ceiriog Hugues : "la Fontaine de
Llandwynen". "Nous aussi nous avons en Basse-Bretagne, à
Plouha, notre Sainte Twina". "Llan" signifie
"paroisse" en gallois, de même que Lanmaodez est dédié à Maodez ici
en Bretagne : le "Llan" gallois équivaut donc au
"Lan" breton.
Nos Saints bretons ont bien des vertus,
Mais Twynen est l'une des meilleures car elle sait consoler les peines de
coeur, au dire de la poésie. Selon la légende galloise, Twynen aurait enfermé
son bien-aimé dans une cage de verre pour qu'il ne vieillisse pas et qu'il
reste toujours près de son coeur : on en a fait
Twina de Plouha est aussi
Ils continuèrent, après avoir émigré, à
vénérer Twina, et la source qui jaillissait là, près de
Tout cela se passa donc entre le Vème et
le VIIème siècle, quand l'Armorique devint
Bien longtemps après, il fut élevé une
chapelle en l'honneur de Sainte-Eugénie à ce même endroit, mais le peuple
continua invariablement à honorer Twynen
Plus près de nous pour terminer, Yvonne Le
Meur (une bretonnante de Plouha, née et restée habiter là pendant toute sa
vie, décédée il y a un an) me parlait souvent du fameux pardon de
"Santez Twin".
Nous voici donc en Pays de Galles, sur les
pas de Santez Twina, en gallois ce n'est pas tout à fait la même orthographe
qu'en breton, mais c'est la même Sainte, aucun doute possible ! Voici
donc un article de la plume (bretonne) de K. Keruhel, paru il y a peu dans
Bretagne Hebdo.
Là-bas elle est surtout connue sous le nom
de Dwynwen, mais on trouve d'autres écritures : Dwyn, Donwen, Donwenna,
Dunwen, Thenova...
Elle vivait au 5ème siècle et
était l'une des 24 filles du prince Brychan Breicheinog. Elle était
merveilleusement belle, aussi belle que le soleil ;
Elle était amoureuse de Maelon, et lui
était fou amoureux d'elle. Malheureusement, elle ne voulait pas se marier
avec lui : la raison n'est pas claire. Selon certaine version de
l'histoire, elle souhaitait devenir religieuse, dans une autre elle avait été
donnée en mariage par son père à un prince, et le malheureux Maelon, lui, ne
comprenait pas pourquoi, ou ne souhaitait pas comprendre. Peinée de
l'empressement de son bien-aimé elle s'enfuit loin de lui et alla se cacher
dans un bois. Une nuit, en rêve, un ange lui enseigna comment préparer un
anti-philtre d'amour pour faire cesser le sentiment qui l'unissait à Maelon.
La posologie ne fut sans doute pas bien
suivie quand le brevage fut proposé à Maelon, car il cassa tous ses élans
envers Dwynwenn, tant et si bien qu'il se transforma en glace.
Douenwenn se recueillit longuement pour
que 3 de ses prières soient éxaucées : 1- que Maelon soit libéré de la
glace ; 2- que tous les vrais amoureux soient délivrés des maux d'amour,
ou en les unissant dans l'harmonie, ou en cassant les amours malheureux subis
par un seul ; 3- que personne ne la demande en mariage. Elle parti alors
s'installer dans un endroit tout à fait désert, un îlot non-loin de l'île
de-Vôn : Ynis Llanddwyn.
C'est de là que Santez Douenwenn devint
L'endroit est devenu très célèbre par la
suite, au 16ème siècle : on y faisait de nombreux pardons, et
il devint le lieu le plus riche de la région.
Il y a là une fontaine sacrée :
Ffynon Dwynwen. On peut connaître la véracité d'un amour en y jetant des
miettes de pain, et en y étalant ensuite un mouchoir à la surface de l'eau.
Si quelque anguille vient à le troubler les choses vont pour le mieux !
Il y a encore plus simple : si l'eau bouillonne alors que vous vous
trouvez en face de la fontaine, c'est que tout va bien.
Santez Douenwenn est également priée pour
guérir les animaux domestiques.
On trouve aussi des fontaines d'amour en
Bretagne, avec ces mêmes éléments : des miettes, des anguilles, des
linges... et cette Fête là (25 Janvier) est toute proche de la grande fête de
toutes les femmes dans le calendrier celte, le premier Février. Ce sont les
déesses qui étaient chargées de protéger les animaux.
Porthddwyn au Pays de galles lui est
également dédié, et une église en Cornouailles britannique. En Bretagne
armoricaine, c'est sous le nom Touinenn, Touin, Touina... qu'elle est
connue... Elle est honorée à Plouha, Lanloup, Pleudihen-sur-Rance, par
exemple.
Cette Fête a de plus en plus de succès. On a l'habitude, à cette occasion, d'offrir des fleurs, des chocolats et des "cuillers-d'amour" si célèbres au Pays de Galles, on envoie également bien des cartes postales. N'oubliez donc pas : le 25 Janvier.